Notre Dame du Rosaire

Elle est fêtée le 7 octobre

Dans la famille dominicaine, Marie est bien Notre Dame, Celle qui attire à Elle pour donner au Christ. Mais aussi, Celle que le Christ Sauveur donne à tous ceux qui marchent à sa suite. Notre Dame, titre de noblesse et de tendresse, est, dès la fin du XIIè s., le titre de Marie faisant habiter son Fils Jésus le Christ dans les cathédrales. Elle est donc Notre Dame du lieu où Elle est reconnue comme « Mère de miséricorde ». Pour nous, Elle est Notre Dame du Rosaire. Faisant ainsi du Rosaire le lieu, l’espace où vit la famille fondée par saint Dominique. Car le Rosaire, l’espace du Rosaire, c’est tout l’Évangile, du début à la fin. Une fin -à l’opposé de la mort- sans fin où le Christ nous fera entrer dans le Royaume où Dieu sera tout en tous (1 Co. 15, 28). Et le début de l’Évangile, c’est le oui de Marie et l’Incarnation du Verbe de Dieu.

Mais beaucoup ont objecté tout à la fois que l’Évangile n’est pas la propriété des Dominicains et que Notre Dame du Rosaire ne pouvait pas le confisquer. Bien sûr, ils ont raison et saint Dominique leur donne raison, car il remet justement l’Évangile au centre de la prédication de l’Église et non pas seulement de la prédication dominicaine. N’est-il pas appelé au Moyen Âge : vir evangelicus in medio ecclesiae (homme évangélique au milieu de l’Église) ? On objectera que nous n’avons aucune preuve, ni aucun signe que Dominique au 13è siècle ou Catherine de Sienne à la fin du 14 è siècle, aient pratiqué le Rosaire. C’est vrai, mais la vérité est beaucoup plus profonde et vivante que les apparences. Car le Rosaire – et non pas le chapelet qui n’est qu’un moyen – est un don fait à toute l’Église pour qu’elle ne cesse de contempler le Jésus décrit par l’Évangile comme unique Sauveur de tous les hommes. La révolution de saint Dominique, comme de saint François d’Assise à la même époque, est de prêcher non pas seulement la grandeur de Dieu, mais la simplicité de l’Évangile comme chemin vers Dieu. Dieu ne peut pas avoir d’autre visage, ni d’autres approches que le visage de Jésus, l’un de nous, notre Sauveur et notre frère.

La simplicité de l’Évangile et la fraternité de Jésus vont bouleverser l’Église habituée à gouverner et dominer. La foi fait de Jésus un frère, un ami, un conseiller, un guide. Et prendre Jésus comme ami ou comme guide, bref comme frère est exactement le but du Rosaire. Avec Marie, le chrétien apprend la fraternité de Dieu. Par la prière des mystères de la vie de Jésus – chaque mystère est une étape où Jésus se révèle vrai Dieu et vrai homme – le croyant, l’orant se représente, mieux se rend présent à la vie, à toute la vie de Jésus. Il peut L’imaginer, L’entendre, Le comprendre et donc L’aimer. Il peut ensuite Lui parler comme un ami parle à un ami, comme jadis au jardin d’Éden, Dieu conversait à la  brune du soir avec Adam et Ève. Le Rosaire, beaucoup plus qu’une « technique » de prière ou une « dévotion particulière » est l’école de l’Évangile proposée à tous les baptisés. En sortant la prière du cloître des moines, Dominique au XIIIè s., Alain de Lille au XIVè s. et Catherine de Sienne à la fin du XIVè s. vont remettre à l’Église toute entière le don du Rosaire comme un don vital pour que chaque baptisé puisse aimer Jésus tel que l’Évangile le décrit et, par là, le suivre et devenir son témoin.

Le Rosaire est donc bien l’espace de la famille fondée par Dominique, le milieu à partir duquel on peut prêcher tout l’Évangile du salut à toutes les nations. Avant même que le frère Alain de la Roche n’organise le Rosaire en quinze mystères – de la vie joyeuse, douloureuse et glorieuse de Jésus – saint Dominique, en nous fondant, lançait les nouveaux prêcheurs de l’Évangile sur les routes du monde. Il faudra un siècle pour que Catherine de Sienne fasse sortir du cloître et  des monastères la prière et la mission de l’Église. C’est bien elle, la recluse de Sienne, qui arpentera l’Italie pour finir sa vie à Rome afin de réformer l’Église, non plus à partir des monastères, mais au beau milieu du peuple de Dieu. Le tableau du Don du Rosaire à Dominique et Catherine dit bien le sens ecclésial et profond de la mission de l’ordre des Prêcheurs voué à la prédication de l’Évangile, et donc à la réforme de l’Église, tout entière missionnaire. La Vierge au manteau, protectrice de cette Église missionnaire est bien la Mère de miséricorde, qui donne au monde son unique Sauveur. Notre Dame du Rosaire fait alors le don de la prière du Rosaire à tous les baptisés, pour qu’ils puissent connaître et aimer Jésus afin de mieux le suivre et de mieux le servir.

Fr. Gilles Danroc